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Susam-Sokak

Turquie - Les racines du présent - Le blog d'Etienne Copeaux


Esquisse n° 27 - La fête alévie de Hacıbektas, cible politique

Publié par Etienne Copeaux sur 7 Mai 2012, 13:57pm

Catégories : #La Turquie des années 1990

 

 

[Cet article fait suite à l'esquisse n° 26, "Comment représenter l'alévisme ?", publiée le 23 avril 2012]

[dernières modifications :7 août 2016]

 

Chaque année depuis 1964, du 16 au 18 août, la fête de Hacıbektas rassemble des foules d'alévis de Turquie et du monde. En 1975, elle avait été prise en charge par une association de tourisme, à l’initiative de l’instituteur Nafiz Ünlüyurt, maire de la petite ville jusqu’au coup d'Etat de 1980. Puis, après trois ans de silence, la mairie s’est adressée à l’État qui a longtemps reculé. En 1990, la fête a obtenu le statut de festival international.

Nous y étions en 1991 : il y avait là des dizaines de milliers de personnes venues de toute la Turquie et des pays d'émigration, que la petite ville avait déjà bien du mal à contenir. Cette année avait été marquée par le début des tentatives de récupération politique ; le ministre de la culture d'alors, Namık Kemal Zeybek, ancien ülkücü (les fascistes 'Loup-Gris' du parti MHP), y avait fait une apparition officielle, ce qui avait décidé nombre de troubadours à bouder la fête.

Nous avons vécu ces quelques jours dans une atmosphère calme, amicale et musicale. En raison de la rareté des hôtels, nous avions été hébergés dans la famille d'un sympathique commerçant, et, arrivés en avance, nous avions eu plaisir à travailler dans la belle petite bibliothèque municipale, conversé avec le maire et ressenti sans cesse la gentillesse des habitants. Durant les trois jours de la fête, il existait une authentique communauté d'esprit entre les milliers de visiteurs, les bardes et troubadours, les musiciens, un esprit de compréhension mutuelle, une émotion partagée. La ville et les prés environnants formaient un immense espace ouvert à la musique, où tout troubadour pouvait se produire, chanter, être accompagné par un musicien de rencontre. Voix et visages restés en mémoire vingt ans plus tard. Sauf en Afrique et en Sardaigne, nous n'avions jamais connu une telle communion entre la musique, les musiciens et le cercle des auditeurs. Hacıbektas est un lieu de pèlerinage, mais la ferveur n'était pas seulement religieuse. Beaucoup de visiteurs n'étaient pas venus pour assister à une célébration, mais pour se sentir entre soi, sentir la force et la vitalité de la « communauté » alévie et aussi la force d'une « autre Turquie », plus démocratique. Nos hôtes et leurs deux garçons faisaient tout pour nous le faire ressentir.

Deux ans plus tôt, nous avions déjà compris ce souci de témoignage d'une foi et d'une culture dans une famille d'un village de Çagıl, près d'Aksaray, ainsi qu'en France même, au contact de musiciens comme Ozan Fırat, Mahmut et Françoise Demir, ou encore en assistant à un concert d'Arif Sag dans la banlieue de Metz. Notre visite à Hacıbektas résultait de cette démarche, et en était le point culminant.

 

Les alévis, réservoir de voix

La mémoire récente des alévis est traumatique. J'ai précédemment évoqué le massacre de Marache (décembre 1978, 111 morts), qui est l'un des « cadavres dans le placard » de la Turquie contemporaine. En la dernière décennie du XXe siècle, la mémoire en était encore fraîche : on n’oublie pas un tel événement en dix ou quinze ans. Or cette mémoire a été malheureusement retravaillée par l’incendie criminel de l'hôtel Madımak à Sivas (3 juillet 1993, 37 morts), puis par les événements du quartier de Gaziosmanpasa (Istanbul) en mars 1995 (17 morts).

On nous a souvent parlé de la stigmatisation envers les alévis . Outre le caractère hétérodoxe de la foi religieuse, qui en fait un objet de méfiance, voire de haine de la part de beaucoup de sunnites, depuis le début de la rébellion kurde les alévis sont sans cesse soupçonnés de collusion avec le PKK, puisque nombre d'entre eux sont aussi kurdes, surtout dans la région de Dersim (Tunceli). Et pour les jeunes alévis d’Istanbul, être né dans le quartier de Gaziosmanpasa est aux yeux ce la police un stigmate « pire que d'être né à Sırnak [ville du sud-est de l'Anatolie] 1 ». Dans le cadre de la guerre menée dans le sud-est, l’armée et les forces paramilitaires considèrent d’avance les villages alévis comme suspects ; les pressions des « équipes spéciales » et du PKK y étaient continues à la fin de 1996, jusqu'à rendre la vie impossible et vider la plupart de ces villages de leur population 2.

 

Il était clair, en 1996, que la perte de confiance d'une population estimée à 20 millions de personnes, s'ajoutant à la perte de confiance de la population kurde, serait extrêmement dangereuse pour la république. Vers 1950-1960, les alévis étaient des ruraux ; à la fin du XXe siècle, ils formaient d'importantes masses urbaines, très mobilisées. C'est pourquoi toute campagne électorale comporte une « pêche aux voix » des alévis. En 1991 on l'a vu, le ministre Namık Kemal Zeybek se montre à Hacıbektas : il est sifflé. Bülent Ecevit (gauche social-démocrate) vient aussi cette année-là, et promet, si son parti arrive au pouvoir, une laïcité plus large, une éducation religieuse neutre, la représentation des alévis à la Direction des affaires religieuses (Diyanet). Mais ce sont de vaines promesses.

En 1995, en prévision des élections générales du 24 décembre, Bülent Ecevit va visiter le quartier de Gaziosmanpasa à Istanbul, tandis que Tansu Çiller se montre à son tour à la fête de Hacıbektas, où elle se fait flatteuse : « Hadji Bektach nous a montré le chemin de la Lumière et du Progrès par l'amour de l'humanité, de la terre et de Dieu 3 ».

C’est que, au cours de la dernière décennie du XXe siècle, le bourg de Hacıbektas, pourtant loin de tout, s'est imposé comme une tribune d'où ceux qui briguent le pouvoir doivent s'exprimer, notamment ceux qui veulent rassurer la population laïque sur leur propre « tolérance », et aussi ceux de la gauche modérée qui se sentent en phase parmi les Alévis. Ainsi, en 1997 et 1998, Hacıbektas a été un lieu d'annonce très important pour le gouvernement, et son importance politique s'est sans cesse accrue.

 

La fête en 1996 : vive inquiétude

La fête de 1996 se produit dans un contexte très particulier. Au cours des huit mois qui ont précédé, le PKK a cherché à porter la guerre dans la région de Sivas, pour impliquer les Alévis dans le conflit et les forcer à choisir leur camp. L’inquiétude a été très vive dans tout le pays.

En outre, trois ans après l'incendie criminel de Sivas, la tension a été ravivée par l’arrivée au pouvoir, en juin, du parti islamiste Refah (RP). Ceux qui gouvernent désormais sont considérés comme proches de ceux qui avaient laissé faire les incendiaires à Sivas. Dans les semaines qui précèdent la fête, Istanbul avait été troublée par une des premières décisions du nouveau gouvernement, la construction d’une grande mosquée sur la place de Taksim, face au monument de la république ; et le ministre de la culture parlait de convertir en mosquée la chapelle des Templiers de Bodrum, qui abritait le musée d’archéologie sous-marine. Pour les milieux laïcistes, kémalistes, alévis, ce sont autant de provocations. C’est pourquoi les ministres du Refah n'ont pas été invités à la fête de Hacıbektas, Ismail Kahraman, ministre de la culture, pas plus que les autres ; il est pourtant venu de son propre chef. A l'instar de Kennedy proclamant à Berlin « Ich bin ein Berliner », il s'était fait remarquer quelques jours plus tôt avec un « Moi aussi, je suis de Hacıbektas ! »

En raison des circonstances, les personnalités kémalistes viennent en bon nombre à la fête de 1996, et notamment Deniz Baykal, président du CHP, Ataol Behramoglu, président du syndicat des écrivains et journaliste à Cumhuriyet, ou Yasar Nuri Öztürk, doyen de la faculté de théologie (ilahiyat) d'Istanbul, et proche du CHP. Ils sont venus rassurer les alévis, qui vivent toujours dans l’inquiétude de nouvelles violences.

Deniz Baykal est arrivé à Hacıbektas dès le 15 août, accompagné de députés du CHP, pour appeler les Alévis au sang-froid après l'annonce de la visite de Kahraman : « Il y en a qui attendent d'arriver au pouvoir pour dire 'Moi aussi je suis de Hacıbektas' ! Si seulement ils s'en étaient souvenus il y a quatre ans [sic], au moment de Sivas ! (…) Ils viennent demain. Eh bien qu'ils viennent ! Et qu'ils voient la beauté et l'amour dans vos cœurs ! » (Hürriyet, 16 août 1996).

Mais, du fait des circonstances et de la présence d'Ismail Kahraman, l'édition 1996 de la fête est ponctuée d'incidents. Dès son arrivée, Kahraman, qui doit se déplacer avec un rempart de gardes du corps, est hué. Sur son passage, la foule brandit des calicots accusateurs : « Sivas vous demandera des comptes », « Les assassins de Sivas sont parmi nous ! » 4. Et sur une des photographies publiées par Hürriyet apparaît, sur un calicot, le slogan « Ne te tais pas ! Sinon ton tour viendra ! 5 », qui, un peu plus tard, après le scandale de Susurluk, est devenu emblématique du mouvement de la société civile, notamment lors du mouvement « Une minute d'obscurité pour faire la lumière » (janvier-février 1997). L'édition 1996 de la fête de Hacıbektas est peut-être même l'acte de naissance de ce mouvement.

 

96.08.17 le premier susma yy - copie

Photo Barıs Bil, Hürriyet

 

Le président Demirel lui-même n'est pas épargné par la colère. Homme relativement populaire, fier de pouvoir se passer de gardes du corps, il est pris à partie par une délégation de parents de disparus brandissant les portraits de leurs enfants qui vont jusqu'à proférer : « Demirel, assassin ! ».

La police ne tolère pas ces « provocations » 6 : les matraques volent, trois personnes sont arrêtées, c’est « un spectacle qui a dû remplir de honte les dede [sages] bektachis », écrit Ismet Solak dans Hürriyet.

Ces incidents sont le premier caractère de la fête cette année-là.

Le second est la formation d'une rhétorique précise et spécifique dans les discours adressés aux Alévis, ou adressés aux laïcistes turcs depuis Hacıbektas ou un autre lieu alévi. Il s'agit de démontrer que l'alévisme est une sorte d'islam idéal, pénétré de laïcité, de démocratie, d'égalité entre les sexes, de pacifisme, ignorant l'intolérance et la fermeture d'esprit. Cet islam-là serait indispensable au pays. Non pas que toute la population doive devenir alévie : le message s'appuie sur l'idée de diffusion, d'infusion dans la population tout entière d'un état d'esprit exemplaire grâce à la simple existence de l'alévisme.

« L’alévisme fait partie des fondements de la démocratie. Il est la garantie de la tolérance, de la paix et de la liberté », proclame Bülent Ecevit le 17 août 1996 à Hacıbektas. Mais il n'est pas question, dans le discours politique, d'opposer Alévis et sunnites, ce qui ne ferait qu'attiser les haines : « Ceux qui veulent opposer sunnites et Alévis sont les ennemis de la paix, de la liberté, de la démocratie », poursuit Ecevit dans la même proclamation. Car il faut agir avec précaution, tant les drames sont récents, tant le mépris envers les Alévis est profond et répandu dans la population sunnite. Les Alévis sont chiites, et le chiisme a une mauvaise image ; la notion renvoie à l'Iran et au régime des mollahs ; il convient de faire la distinction, et « nos Alévis ne ressemblent pas aux chiites d'Iran ou d'ailleurs », croit devoir préciser Ecevit.

Etonnamment, la tâche la plus délicate consiste à convaincre la population sunnite que les Alévis sont bien des Turcs ! Il faut rappeler que le nationalisme turc est bâti sur le sunnisme, que l'islam sunnite est religion officielle et que « la nation turque est musulmane » comme le proclament sans cesse, à l'époque, les mouvements nationalistes. Si un Turc est forcément, selon ce discours, un musulman sunnite, le corollaire est qu'une personne n'étant pas sunnite n'est pas vraiment turque, d'autant que nombre de sunnites estiment que l'hétérodoxie alévie est hors de l'islam. Il existe une suspicion de non-turcité à l'encontre des membres des communautés orthodoxe, juive et arménienne, protégés comme « minorités » par le traité de Lausanne, mais qui ne sont pas des citoyens comme les autres (cf. « Citoyens turcs de nationalité étrangère » et l'article de Baskın Oran sur le site turquieeuropeenne.eu). Peut-on pousser la logique jusqu'à exclure les Alévis de la « nation turque » ?

Bülent Ecevit, dans ses proclamations de Hacıbektas en 1996, aborde le sujet implicitement mais de manière très claire. Répondre à une question qui n'est pas posée ouvertement revient à admettre qu'elle existe, qu'elle est posée par la société, qu'elle circule dans le discours ambiant, qu'elle est débattue et polémique : les Alévis sont-ils vraiment musulmans, en conséquence sont-ils des vrais Turcs ? Ecevit répond par une formule rhétorique classique du nationalisme turc, l'évocation des guerres et du sang versé : « La nation turque a combattu sur les fronts de Çanakkale [la bataille des Dardanelles, 1915] et de la guerre de Libération [1919-1922] sans faire de distinction entre Alévis et sunnites ; cette unité continue d’exister aujourd’hui dans la paix 7. »

Il est triste de voir Ecevit recourir à cette rhétorique, qui, dans ses versions nationalistes plus complètes (ainsi que dans les manuels d'histoire), présente les combats du début du XXsiècle comme ceux de musulmans contre des gavur (infidèles) anglo-français puis grecs orthodoxes... tandis qu'on massacrait d'autres gavur, les Arméniens. Pour un homme de la trempe d'Ecevit, il aurait suffi de dire que l'appartenance à la « nation turque » n'est pas liée à une appartenance religieuse ; il ne l'a pas osé. Son discours infère que les Alévis sont des Turcs, parce qu'ils sont musulmans.

Hrant Dink, journaliste turco-arménien assassiné en 2007, critiquait vigoureusement le recours à cette rhétorique, alors qu'elle était invoquée dans une réunion avec des intellectuels kurdes : « De quelle paix parlons-nous si, dans une telle réunion, nous fondons notre fraternité sur le sang versé ensemble, et si nous utilisons un jargon nationaliste digne des voyous de bas étage ? De quelle paix est-il question, si nous ne sommes pas capables de tenir un discours d'union fondé sur autre chose que la destruction et le meurtre ? Allons-nous bâtir notre coexistence future sur la nostalgie des bains de sang communs ? (…) N'avez-vous pas honte, un siècle plus tard, de sceller votre union dans le sang versé 8 ? »

Le discours politique qui commence à prévaloir à Hacıbektas comporte un autre élément de rhétorique biaisé. La présence d'une forte communauté alévie « garantirait la tolérance » en Turquie. Mais il faudrait pour cela que l'alévisme soit effectivement toléré, et ce n'est pas à la minorité menacée, mais au groupe majoritaire de garantir la tolérance ! Car la laïcité n'a pas de sens sans pluralisme, et le groupe alévi (qui en outre comprend dans son sein beaucoup de crypto-arméniens) étant le seul grand groupe hétérodoxe, son existence est effectivement signe de pluralisme... à condition qu'elle soit plus que « tolérée » : égale en tous points à la population sunnite, et qu'il en soit de même pour les non musulmans 9.

 

1997, le triomphe des laïcistes

Un an plus tard, l'édition de 1997 de la fête marque une étape, car pour la première fois le protocole d’État y est mis en œuvre complètement, avec non seulement la présence du président de la république (dont c’est la troisième visite), mais aussi du premier ministre Mesut Yılmaz, et de Bülent Ecevit cette fois ès-fonction de vice-premier ministre, comme Ismet Sezgin, et des représentants du monde politique. Avec Yılmaz, c’est la première apparition d’un premier ministre de droite. Le gouvernement d'inspiration islamiste Refahyol est tombé deux mois plus tôt, et la fête de Hacıbektas est la première manifestation d’importance où apparaissent ensemble les nouveaux responsables de l’État. C’est l’occasion idéale pour une annonce, car on attend cinq cent mille personnes 10. Même si Yılmaz est premier ministre, le nouveau gouvernement porte un certain espoir de gauche grâce à la présence de Bülent Ecevit, et la fête de Hacıbektas reste un événement de gauche.

En cet été 1997, l’alévisme serait-il ressenti comme une libération, un souffle d’air par rapport à l’étouffante « année Refahyol » que la Turquie vient de vivre ? Yılmaz Karakoyunlu, dans sa chronique de Sabah, s’exprime comme si le pays tout entier était alévi, par une formule semblable à celle qui est employée les jours de fête nationale, une de ces formules qui englobent tous les lecteurs potentiels – tous les Turcs - dans un large « nous » : « Aujourd’hui nous fêtons les cérémonies de Hacıbektas-ı Veli ». Et de citer un quatrain attribué à Hadji Bektach, qui n’est sans doute pas du goût des bigots attachés au formalisme des cinq piliers de l’islam : « L’ardeur est dans le fruit de la grenade, pas dans ses feuilles ; la force miraculeuse est dans l’esprit, pas dans le pouvoir que confère la couronne ; quoi que tu cherches, tu ne le trouveras ni à La Mecque, ni à Jérusalem, ni au Pèlerinage : cherche-le en toi  11».

En tant qu’étranger, je crois que Hacıbektas, la cérémonie du semah, la musique et plus généralement la société alévie exercent une fascination, qui doit se communiquer aussi à beaucoup de Turcs non alévis, en particulier à gauche. Les jeunes gens qui accomplissent le rituel, les musiciens et les « officiants » laissent transpercer leur ferveur… et leur bonheur. Oui, ils semblent, ils sont heureux d’être alévis. Et leur bonheur est contagieux ; en les voyant, les larmes montent aux yeux facilement. Les impressions fortes ressenties jadis à Hacıbektas me reviennent aujourd'hui en regardant des vidéos de semah. Aussi je veux croire que, en 1997 au moins, l'attitude chaleureuse et amicale de Demirel ne fait que répondre à la chaleur des assemblées alévies : il semble heureux d’être là, franchit les barrières de sécurité et se mêle à la foule. Certaines photographies expriment bien cette convivialité.

Ainsi, Demirel et Sezgin ont été invités à participer aux célébrations, et de nombreuses photographies illustrent l'épisode dans la presse. Les deux hommes d'Etat sont entourés de jeunes gens ; ils assistent à la cérémonie, mais ne sont pas tout à fait spectateurs.

 

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Photo Zaman : Ahmet Bıyık

 

Sezgin accomplit parfaitement les gestes requis du dervis selamı, mains croisées à plat sur les pectoraux. Demirel est plus maladroit, et il a fallu qu'une jeune fille, au sourire lumineux, saisissant les mains du président, lui explique comment les placer. Ces clichés d'où émanent une sensation de bonheur sont dans tous les quotidiens du 17, y compris sur la une de Zaman, et dans Türkiye.

 

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Photo Anadolu Ajansı publiée dans Milliyet

 

Autant les propos rapportés par la presse que les commentaires des journaux font état de cette atmosphère de soulagement post-islamiste, de réconfort procuré par une laïcité retrouvée : selon Radikal, cette année, la fête est « une immense manifestation contre la charia12  ». Le maire de la ville revendique la force de la culture alévie, la force et le nombre, à tel point qu’il l’assimile à l’Anatolie elle-même 13.

 

Manœuvre politique

Sur les photographies du 17 août, seuls Demirel et Sezgin sont présents. En fait, Mesut Yılmaz, Bülent Ecevit et Deniz Baykal ne viennent à la fête que le second jour… car c’est la veille qu’avait lieu à l’Assemblée le vote de la loi sur l’enseignement obligatoire continu de huit ans (8 yıllık kesintisiz egitim), destinée à gêner voire à étouffer l’enseignement religieux. Cette loi est la grande affaire politique de 1997 et 1998, prétexte à d’immenses manifestations de la mouvance de l’islam politique.

Au moment dont je parle, tandis que se déroule la fête à Hacıbektas, des foules de conservateurs « islamistes » défilent, manifestent, dans toutes les villes de Turquie, en raison de la discussion puis du vote de la loi au parlement ; souvent, les manifestants défilent avec le drapeau national, s'enveloppent dans le drapeau, pour se protéger et proclamer : « Nous aussi, nous sommes la nation ». Ces manifestations sont parfois durement réprimées par la police, à coups de canons à eau.

Ces quelques jours, entre le 16 et le 21 août, sont très riches en événements, proclamations, avertissements, et c'est l'ensemble des problèmes de la Turquie qui forme le contexte de la fête alévie et des proclamations des dirigeants. Aux manifestations islamistes répondent certaines manchettes des journaux comme celle de Radikal du 17 août qui annonce la fête de Hacıbektas par un « La charia ne passera pas ! » ou le « Nous sommes tous frères ! » ou encore « Rien n'avancera par la violence ! », propos attribués à Demirel et avancés en manchette respectivement par Türkiye et Milliyet du 17. Ou encore ce que Zaman, toujours le 17, qualifie d' « appel à la paix » - ce qui signifie qu'une guerre est en cours, et il ne s'agit pas de la guerre contre les Kurdes, qui elle, continue et s'impose aussi dans la presse avec les obsèques de soldats tués 14.

La vague de manifestations contre la « loi des huit ans » prouve que le courant islamo-conservateur n'a pas abandonné la partie bien qu'il soit en crise après sa défaite, et à la recherche d'un nouveau leader 15. Comme de coutume, l'armée diffuse des « avertissements » par la voix d'officiers de haut rang 16.

Le 17 août donc, la loi est votée, concrétisant la défaite du gouvernement Refahyol. Autre signe encourageant, le même jour, Isık Yurtçu, journaliste emprisonné, est libéréLa presse laïciste triomphe et fait le lien avec la fête de Hacıbektas et l'alévisme. C’est pourquoi le 18 août, la manchette de Zaman est moins consensuelle que la veille : « [L’enseignement] continu est un cadeau à Hacıbektas ». Et voilà clairement, à nouveau, les alévis enjeu d’une politique. L'image du cadeau n’est d’ailleurs pas une invention de Zaman ; car Yılmaz aurait dit lui-même : « Mr Ecevit et moi-même n’avons pas voulu venir les mains vides à Hacıbektas. [La loi des huit ans] est notre cadeau à Hadji Bektach Véli et à ceux qui l’aiment. (…) Le vote de la loi le jour de la fête de Hacıbektas est un heureux hasard (mutlu bir cilve). Je suis persuadé que désormais de nouvelles roses vont fleurir sur le tombeau de Hadji Bektach 17 ».

Les alévis se voient donc instrumentalisés par la politique du nouveau gouvernement, annexés à la culture laïque kémaliste officielle. L’offrande à Hadji Bektach est un acte politique calqué sur l’offrande à Atatürk dans les cérémonies officielles et les pratiques politiques quotidiennes. Même si Yılmaz le dit sur un ton plaisant, c’est un fait entièrement nouveau.

Tout cela ravit Cumhuriyet qui titre : « Un avenir radieux ». Cette tonalité a été conférée à la journée par Mesut Yılmaz, heureux de proclamer l'ouverture d'une nouvelle ère, heureux sans doute de l'opportunité de s'exprimer depuis une tribune inhabituelle. Il a choisi de proclamer la victoire sur le Refah en ce lieu de Hacıbektas : « Désormais la Turquie est sortie des griffes de l'obscurantisme. Désormais la Turquie marchera vers la lumière. […] C'est Hadji Bektach qui le dit : 'Heureux ceux qui sont frappés par la lumière' ! Et moi je dis : 'Heureux ceux qui entendent, comprennent et font vivre ce message de Hadji Bektach qui traverse les temps' 18 ! » Yılmaz se permet d'invoquer une autorité morale antérieure à Atatürk, ce qui ne se fait jamais, sauf pour invoquer Mahomet. Heureusement pour les conventions, Ecevit prend la parole après Yılmaz et corrige les propos du premier ministre : « La clarté d'Atatürk, à notre époque, nourrit la lumière venue de Hadji Bektach et qui a franchi les époques ». Voici quelque chose de plus conforme à l'orthodoxie, au prix d'un renversement de la chronologie, puisque le présent éclaire le passé. Atatürk avait déjà été fait successeur de héros militaires du moyen-âge, le voici successeur d'un saint soufi 19.

Les contorsions des dirigeants ne s'arrêtent pas là. Une autre phrase du discours de Yılmaz, fondamentale, est passée à peu près inaperçue, relevée seulement, à ma connaissance, par Orhan Birgit : « Nous avons un seul Dieu, une religion commune, un Livre commun, un pays, un passé commun, un avenir commun, notre diversité est une richesse 20 ! » Mesut Yılmaz, qui, sitôt désigné premier ministre, avait été remercier Dieu à la grande mosquée d'Ankara (cf. l'esquisse n° 20), s'affirme à nouveau ici comme musulman croyant, en tant que chef de gouvernement. L'acte est grave dans un pays qui fait de la laïcité sa bannière. Le « nous » dans lequel il s'inclut englobe sunnites et alévis, mais exclut ceux qui ne croient pas au coran, et les incroyants. Encore un pas qui mène à cette conception propre à la Turquie de la laïcité, qui serait une simple tolérance des courants non orthodoxes, un accord de respect mutuel entre musulmans. La « diversité » invoquée (ayrılık) est à prendre dans un sens très restrictif ; une autre diversité, celle des Kurdes, n'est pas prise en compte dans cette « richesse ».

 

La fête de Hacıbektas, août 1998

Un an plus tard encore, en 1998, la fête est annoncée comme un « sommet de l'unité » (Zaman, 16 août 1998), en continuité avec la précédente édition. La même coalition est au pouvoir, poursuivant la même politique envers la « réaction religieuse », et surtout la même répression contre la dissidence kurde. A Hacıbektas cette année-là, la fête est à nouveau énorme, avec peut-être 500 000 personnes. Tous les représentants de l'Etat sont là : le président Demirel, Mesut Yılmaz qui amuse beaucoup par ses bourdes et ses lapsus, le vice-premier Bülent Ecevit, le président de l'Assemblée, etc. Le protocole d'Etat est mis en œuvre : c'est une fête officielle. « Fraternité », « unité » sont les maître-mots. Mais de quelle unité peut-il s'agir ? Le dispositif policier fournit une réponse : les représentants du HADEP, parti de gauche pro-kurde, n'ont pas été autorisés à pénétrer sur les lieux des cérémonies 21. Osons le concept amusant d'unité partielle.

En examinant la presse d'août 1998, on a l'impression de s'être trompé d'année, car rien n'a fondamentalement changé par rapport à 1997. La mouvance islamiste manifeste ; l'armée poursuit ses « avertissements » sur le danger islamiste 22, et surtout poursuit la guerre ; on enterre les « martyrs », on s'interroge éternellement sur l' « identité kurde », le « problème du sud-est » 23. La permanence des « menaces », islamiste et kurde, permet la permanence de la répression policière contre les intellectuels dissidents (voir l'affaire Pınar Selek et ma chronique de l' « été ordinaire » de 1998) ou les mères de disparus. En fait l'immobilisme est tel que des commentateurs commencent à s'interroger sur l'existence d'une possibilité de changement 24. Le pays semble obnubilé par la préparation du 75e anniversaire de la république.

En 1998 les dirigeants assistent à nouveau à une cérémonie de semah, mais de façon très protocolaire et figée en folklore ; la bonhomie de l'année précédente est oubliée et les officiels semblent s'ennuyer fermement.

 

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Photo Yeni Yüzyıl, 17 août 1998 (Anadolu Ajansı)

 

Un moment délicat nous vaut une photo amusante dans Milliyet, le moment où l'assistance doit se prosterner ; un dignitaire politique peut-il se prosterner au cours d'une cérémonie hétérodoxe ? Visiblement, l'assistance s'interroge : les services du protocole n'ont peut-être pas prévu la situation et n'ont pas tranché sur l'attitude à adopter. Le cliché surprend les dirigeants au moment du doute. Demirel, sans hésiter, le premier, s'est incliné profondément. Quelques-uns de ses voisins l'imitent, y compris l'officier qui se tient derrière lui. D'autres personnages hésitent, observent le président, regardent autour d'eux. A sa droite, Mesut Yılmaz, renfrogné, s'est levé ; il va peut-être s'incliner mais de mauvaise grâce ; sa femme Berna se tourne, étonnée, vers Demirel. On ne saura pas ce qu'aurait fait Bülent Ecevit, car il a choisi de ne pas participer à la cérémonie, sous prétexte de poses de premières pierres d'une cemevi et d'un centre culturel.

 

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Photo Milliyet 17 août 1998 (Anadolu Ajansı)

 

Ouvrant le temps des discours, le maire de Hacıbektas, Mustafa Özcivan, ne concède aucune flatterie aux politiques et demande à ceux qui veulent des suffrages de s'abstenir de venir en ce lieu. Il résume les aspirations et les craintes des Alévis en citant un poète azéri : « Je n'ai pas peur des djinns, je n'ai pas peur du sang, mais où que j'aille j'ai peur des fanatiques » 25.

Les déclarations des dirigeants, à nouveau, sont à la fois conciliatrices et révélatrices des préjugés répandus dans la société. La fête des Alévis n'est pas une fête nationale, les officiels s'y sentent plus libres, plus dégagés des paroles convenues, dégagés même de l'atatürkisme auquel les références sont étonnamment rares si toutefois on se fie à ce qu'en rapporte la presse. Au contraire, tous les discours sont émaillés de citations du « grand Hünkâr » Hadji Bektach, qui devient provisoirement un inspirateur de la politique turque.

Mesut Yılmaz confirme une nouvelle fois que les Alévis sont bien des « citoyens turcs », puisqu'ils ont le même Dieu, la même foi. Il est donc à nouveau établi, par ce détour, qu'un Turc est un musulman. Selon Milliyet, le premier ministre ajoute « à titre privé » qu'il refuse de faire de « notre sublime religion » un enjeu politique. Les bonnes réponses à « ceux qui prétendent disposer d'un monopole sur la religion », ajoute-t-il, « seront données, une nouvelle fois, par l'islam anatolien » 26. Une nouvelle fois, la population alévie est présentée comme un bouclier face à l'islamisme ; on semble passer provisoirement sur son hétérodoxie pour mettre en avant son caractère anatolien, proprement turc, ipso facto tolérant et compatible avec la laïcité par opposition à ce qu'on désigne de plus en plus comme l' islam-ı Arap, l'islam des Arabes, formel, intolérant voire fanatique, une mauvaise interprétation de la religion qui serait responsable de l'islam politique. « Qu'on ne trouble pas l'islam turc », aurait dit Demirel 27. Le cheminement idéologique révélé par ces propos est fascinant, car les dirigeants passent de la synthèse turco-islamique à un anatolisme dont l'essence serait musulmane. Ils ne vont pas jusqu'à dire que l'alévisme est l'essence de la Turquie. Mais l'alévisme est un rempart.

Danger du fanatisme et anatolisme sont deux thèmes porteurs. Les peurs de Marache, Sivas et Gaziosmanpasa sont dans tous les esprits. Mais les propos de Demirel sonnent faux : « Que chacun en Turquie, dit-il, se considère comme un citoyen de premier plan ! ». C'est à nouveau admettre que la chose ne va pas de soi : « Si vous ne vous considérez pas vous-mêmes comme des citoyens de première classe vous vous faites du tort à vous-mêmes », dit-il aux Alévis, rejetant bizarrement la responsabilité de la discrimination sur les discriminés 28  ! « Notre voie est celle de la fraternité », proclame-t-il encore ; ou « La plus importante de nos valeurs est la capacité de vivre ensemble (beraberlik) ». « Il n'y a pas de différence entre les citoyens turcs en raison de leurs croyances et de leurs racines ethniques. (...) Personne n'a le droit de mépriser son concitoyen, qu'il soit alévi ou porteur d'une autre foi. Les bienfaits tout comme les fardeaux de notre pays doivent être partagés par tous », proclame encore Demirel 29. Mais n'est-ce pas à ceux qui dénient le « vivre ensemble », les yobaz sunnites, qu'il devrait dire cela ? Et oserait-il dire ceci devant des Arméniens ou des orthodoxes ? On en doute en lisant Hrant Dink 30.

 

Ces affirmations sont polémiques, elles répondent à des propos non tenus ou non rapportés, mais qui sont « dans l'air » ; ce sont les propos excluants diffusés à satiété par le nationalisme, le courant de la synthèse turco-islamique, l'islam politique et qui, lorsque cela leur est utile, sont repris par les instances étatiques elles-mêmes. Un an après la chute du gouvernement Refahyol, les dirigeants continuent de marteler des critiques de l'islam politique, qui continue de s'exprimer vigoureusement, notamment à propos de l'école et du port du voile. Pourtant l'exercice est difficile : il faut rejeter l'islam des yobaz sans démentir l'idée de synthèse entre l'islam et la nation, et sans faire de promesses trop précises aux alévis, car la réalisation de leurs revendications mettraient en cause, comme je l'ai dit antérieurement (esquisse n° 26), certains fondements du régime.

C'est peut-être là l'explication de la mauvaise humeur perceptible sur les visages des dirigeants. Les organisations alévies se sont peut-être senties en confiance, depuis la chute du Refahyol. Dans mon article précédent je mentionnais la « revendication du nom », et c'est justement lors de cette fête de 1998 qu'elle a été avancée par dix-huit organisations regroupées : « Nous sommes alévis, nous voulons une reconnaissance légale, nous voulons notre nom ». Cette proclamation d'août 1998 revendique la suppression pure et simple du Diyanet, l'arrêt de la construction de mosquées dans les lieux alévis, l'abandon de l'enseignement religieux obligatoire, le prolongement à dix ans de l’enseignement obligatoire qui doit être exempt de cours de religion, la révocation des « fonctionnaires racistes et islamistes », et la fin des pratiques de déportations de villages entiers, des migrations forcées, des atteintes aux droits de l'homme 31 ».

Tout est dit : les revendications des Alévis rejoignent celles des Kurdes. Ils revendiquent non seulement « leur nom » mais aussi la fin de la guerre, et la fin de la définition religieuse de la nation. La question alévie, sujet au moins aussi explosif que la question kurde, écrivait Hamit Bozarslan... Car de ces revendications fondamentales, qui dépassent la question alévie, aucune n'a été satisfaire quinze ans plus tard. Les alévis ont gagné en visibilité, mais pas en légitimité. Leurs associations sont aussi des laboratoires d'idées pour la Turquie. La tentative de récupération politique des années 1990 a échoué car les alévis ne peuvent se contenter de balivernes sur l'humanisme anatolien.

 

Lectures :


 

Balivet Michel, Yalçın Perihan, "Hacı Bektâs et Yunus Emre ou l'universalisme turc médiéval", in Türk Kültürü ve Hacı Bektas Veli Arastırma Dergisi, 2010, n° 55.

Version en ligne : http://www.hbvdergisi.gazi.edu.tr/ui/dergiler/55_20130107162236.pdf

Ekal Berna, « Through Differences and Commonalities: Women’s Experiences of Being Alevi », thèse de doctorat, Université de Bogaziçi, 2006, 170 f°. en ligne : http://www.belgeler.com/blg/rea/through-differences-and-commonalities-women-s-experiences-of-being-alevi-farkliliklar-ve-ortakliklar-kadinlarin-alevilik-deneyimleri

Gökalp Altan, Têtes rouges et bouches noires, Paris, Société d’ethnographie, 1980, 253 p.

Massicard Elise, L'autre Turquie, PUF, 2005. En turc : Türkiye'den Avrupa'ya Alevi Hareketinin Siyasallasması, Istanbul, Iletisim, 2007, 367 p. Une traduction en anglais sera disponible en été 2012.

Melikoff Irène, Hadji Bektach : un mythe et ses avatars. Genèse et évolution du soufisme populaire en Turquie, Leiden, Brill, 1998.

Melikoff Irène, Sur les traces du soufisme turc : recherches sur l'Islam populaire en Anatolie, Istanbul, Editions Isis, 1992.

Olsson T., Özdalga E., Raudvere C. (Eds.), Alevi identity: cultural, religious and social perspectives. Istanbul: Swedish Research Institute in Istanbul, 2003.

Schüler Harald, « Secularism and Ethnicity : Alevis and Social Democrats in Search of an Alliance », in Seufert Günter, Vorhoff Karin, Yerasimos Stefanos (dir.), Civil Society in the Grip of Nationalism, Istanbul, Orient-Institut et Institut Français d’Etudes Anatoliennes, 2000, pp. 197-250.

Vorhoff Karin, Zwischen Glaube, Nation und neuer Gemeinschaft : Alevitische Identität in der Türkei der Gegenwart, Berlin, Klaus Schwartz Verlag, 1995, 273 p. (Islamkundische Untersuchungen, Band 184).

 

Notes :

1 Berat Güncikan, « Istanbul’lu öteki çocuklar », Cumhuriyet, 27 août 1996. Sur ce quartier d’Istanbul voir Hakan Yücel , « Les jeunes alévis du quartier de Gazi (Istanbul) et les associations de hemsehri : identifications croisées », European Journal of Turkish Studies [Online], 2 | 2005 (http://ejts.revues.org/index406.html); et Jean-François Pérouse, « Aux marges de la métropole stambouliote : les quartiers nord de Gaziosmanpasa, entre varos et batikent », Cahiers d'Etudes sur la Méditerranée Orientale et le Monde Turco-Iranien (CEMOTI), 24 | 1997, disponible en ligne (http://cemoti.revues.org/1469).

2Interview du député CHP Mustafa Yïldız, Cumhuriyet, 5 décembre 1996.

3Zaman, 17 décembre 1995 ; Sabah, Milliyet, 23 décembre 1995.

4« Hosgörüye yakısmadı », Hürriyet, 17 août 1996 ; et « Hacıbektas'ta olay çıktı ! », Sabah, même date.

5« Susma sustukça sıra sana gelecek ! ». Voir mon « esquisse » n° 23, « Naissance de la société civile ».

6 C’est le terme employé par Zaman et d’autres quotidiens conservateurs.

7 Ces trois citations sont dans Cumhuriyet, 18 août 1996.

8Hrant Dink, « Ne m'obligez pas à ouvrir la boîte de Pandore », article paru dans Agos le 23 juillet 1999, publié dans Chroniques d'un journaliste assassiné, textes de Hrant Dink rassemblés par Günter Seufert, traduits du turc par Haldun Bayri et Marie-Michèle Martinet, Paris, Galaade Editions, 2010, pp. 145-147.

9 Lire l'article d'Olivier Abel, « Que veut dire la laïcité ? », CEMOTI, n° 10, juin 1990, pp. 3-14. Il faut ici rappeler ce jugement de Mirabeau : « La liberté la plus illimitée de religion est à mes yeux si sacrée, que le mot tolérance qui essaie de l’exprimer, me paraît en quelque sorte tyrannique lui-même (...) puisque l’existence de l’autorité qui a le pouvoir de tolérer, attente à la liberté de penser, en cela même qu’elle tolère, et qu’ainsi elle pourrait ne pas tolérer. » (Mirabeau, 21 août 1789, cité par J.P. Faye, Dictionnaire politique portatif en cinq mots, Paris, 1982, p. 166).

10 Miyase Ilknur, Cumhuriyet, 15 août 1997.

11 « Hararet nardadır ; sacda degildir ; /Keramet bastadır ; tacda degildir ; / Her neyi arasan, kendine ara ; / Mekke’de, Kudüs’te, Hac’da degildir. » Yılmaz Karakoyunlu, « Hacıbektas-i Veli », Sabah, 16 août 1997.

12 Respectivement « Hacıbektas’ta barıs çagrısı » et « Hacıbektas’tan ‘seriata geçit yok’ »

13 « Refuser de voir une telle culture, c’est trahir l’Anatolie » selon Cumhuriyet, 17 août 1997.

14Türkiye du 20 août 1997, en une. Mais la guerre du sud-est est présente aussi par des analyses sur ce problème, quasi quotidiennes comme celle d' Ahmet Taner Kıslalı dans Cumhuriyet (« ABD ve Kürt sorunu », 17 août), de M.A. Birand dans Sabah (« PKK, içerde küçüldü dısarda ise büyüdü », 20 août ; ou de Nedim Sener dans Milliyet (« Bu hali de kaldırın ! », 17 août).

15Rusen Çakır, Kemal Can, « Refah geleceginin tartısıyor », Milliyet, 19-21 août 1997.

16« Navy’s top admiral : fundamentalist threat still strong » ; interview de l'amiral Erkaya, Turkish Daily News, 16 août 1997.

17Zaman, 18 août 1997.

 18« Türkiye artık karanlıgın pencesinden kurtulmustur. Türkiye bundan sonra devamlı aydınlıga kosacaktır. […] Hacıbektas-i Veli diyor ki, düsünce karanlıgına ısık tutanlara ne mutlu. Ben de diyourm ki, Hacıbektas-i Veli’nin çagları delip geçen bu mesajını bugün duyanlara, anlayanlara, yasatanlara ne mutlu. » Cumhuriyet, 18 août 1997.

19« Hacıbektas-i Veli’nin çaglar ötesinden gelen ısıgına çagımızda Atatürk’ün ısıgı da katılmıstır. » (Cumhuriyet, 18 août 1997. Voir mon article « Les prédécesseurs médiévaux d’Atatürk. Bilge kaghan et le sultan Alp Arslan », Revue d’Etude de la Méditerranée et du Monde Musulman, n° 89-90, 2000, pp. 217-243.

20 « Allahımız bir, dinimiz bir, kitabımız bir, ülkemiz bir, geçmisimiz bir, gelecegimiz bir ise, bu ayrılık nicedir » (cité par Orhan Birgit, « Hacıbektas akademisi », Cumhuriyet, 19 août 1997).

21Radikal, 17 août 1998. Radikal semble être le seul grand quotidien à délivrer cette information.

22 « Seriat uyarısı », Cumhuriyet, 18 août 1998.

23Nedim Sener, « Çagdas köleler », Milliyet, à partir du 17 août 1998 ; Tarhan Erdem, « Kürt kimligi », Radikal, 17 août 1998 ; Sükrü Elekdag, « Güneydogu sorunu », Milliyet, 17 août 1998.

24 Yavuz Baydar, « Degisim mümkün mü ? [Le changement est-il possible?] », Radikal, 17 août 1998 ; Z. Livaneli, « Dünya degisir Ankara degismez ! [Le monde change, Ankara ne change pas!] », Milliyet, 20 août 1998.

25« Cin görirem, kan görirem, korkmirem, nerede bir yobaz görirem, korkirem. », Radikal, 17 août 1998.

26Littéralement « le musulman anatolien » : « Yüce dinimizi tekellerini almak isteyenlere en iyi cevabı yine Anadolu müslümanı verecektir », Milliyet, 17 août 1998.

27« Türk müslümanlıgı bulandırılmasın », Yeni Yüzyıl, 17 août 1998.

28Milliyet et Cumhuriyet, 17 août 1998. Selon Zaman, 17 août 1998 : « Alacagımız ders bellidir, Türkiye’nin en önemli varlıgı beraberligidir. Ne ki bunu zedeler, bu zararlıdır. Türkiye demokratik bir devlettir, yoksa bu noktada olamaz. » . « Mezhebinden, dininden, milliyetinden dolayı kimsenin Türkiye’de digerinden farklı olmadıgını, herkesin birinci sınıf vatandas oldugunu belirterek Alevi vatandaslara hitaben ‘kendinizi birinci sınıf vatandas kabul etmezseniz kendinize eziyet etmis oluyorsunuz. » […] « Türkiye’de hatalar olmustur, tashih etmenin yolu bu açık rejimdir. »

29« Türk vatandaslarının inançlarından ve etnik kökenlerinden dolayı birbirlerinden hiç bir farkıyoktur. Alevi olsun, baska bir inancı tasısın, hiç kimsenin digreini horgörmeye hakkı yoktur. Herkes bu ülkenin nimet ve külfetine esit düzeyde ortaktır. » Milliyet, 17 août 1998.

30Hrant Dink, Chroniques d'un journaliste assassiné, o.c.

31 Emine Kaplan, « Hacıbektas Senliginden notlar », Cumhuriyet, 17 août 1998.

 

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